«Je mords la vie à pleines dents» C’est ainsi que Camille Saint-Laurent résume sa philosophie de vie, traversée par une perte de vision qui aurait pu freiner bien des ambitions. Conseillère en équité, diversité et inclusion au sein de la direction des Services multidisciplinaires, Camille incarne la persévérance, la détermination et l’amour de la vie même lorsqu’elle doit être perçue autrement que par les yeux.
Alternatives à l'urgence
Pour un problème de santé mineur (non urgent), il existe d'autres options que l'urgence.
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Dépasser les stéréotypes et vivre pleinement sa vie
Un diagnostic qui change tout… mais ne freine rien
Atteinte d’un syndrome orphelin rare — le syndrome oculo-facio-cardio-dentaire — Camille est née avec des cataractes congénitales. À 2 ans, elle développe un glaucome. Puis, après plusieurs décollements de rétine et des opérations successives, elle perd la vue totalement en début d’année 2015.
Un tournant? Oui. Un frein? Non.
Malgré cet obstacle dans son parcours de vie, elle fait un choix clair : celui de ne pas laisser son handicap définir ses possibles.
«J’ai eu de l’aide de l’Institut de Nazareth et Louis Braille depuis ma tendre enfance mais j’ai dû m’adapter avec ma nouvelle condition. Entre l’adaptation, j’allais quand même à l’université. Au-delà d’un an, j’ai pu vraiment progresser et m’adapter.»
Une vie professionnelle bâtie sur l’engagement
Camille a effectué son stage universitaire au sein de notre organisation, avant d’y être embauchée. Elle débute au bureau de la PDGA, puis rejoint la direction des Services multidisciplinaires, volet pratiques professionnelles, comme agente de planification, de programmation et de recherche, où elle porte aussi le chapeau de répondante locale du Programme d’accès aux services de santé et aux services sociaux en langue anglaise.
«Dès la perte de ma vision, je ne me suis pas morfondue dans mon coin. J’ai voulu continuer mes études. Il faut savoir que j’ai étudié en éducation spécialisée.
Malheureusement, à cette époque-là, il n’était pas très ouvert pour les personnes avec des handicaps, notamment le handicap visuel. Même quand j’avais une vision faible, on me limitait beaucoup dans le choix de clientèle pour mes stages. Et là, quand j’ai perdu la vision pour mon stage final et ils m’ont dit non, ça ne fonctionne pas, tu pourras pas faire ton stage final, alors je n’ai pas pu terminer ma technique en raison de cela, mais j’ai pu avoir au moins un diplôme collégial pour aller à l’université»
Au sein du CCSMTL, elle s’est investie dans des dossiers essentiels touchant l’inclusion.
Grâce à des outils technologiques, notamment un lecteur d’écran et une application de description audio des documents, Camille gère ses tâches professionnelles avec une autonomie impressionnante et peut compter sur une équipe soudée, qui l’accommode et s’adapte à sa réalité tant qu’il le faut.
Une vie bien entourée
Camille ne se contente pas de survivre : elle vit pleinement.
Que ce soit au travail ou à la maison, elle est entourée de collègues et de proches qui reconnaissent ses talents et sa force.
Elle insiste sur l’importance de son entourage : «J’ai une famille très présente, un milieu de travail ouvert, une gestionnaire et des collègues formidables.»
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, elle est parfaitement autonome, cuisine, fait le ménage s’adonne à ces centres d’intérêt, randonnée, tricote et s’implique dans sa communauté. Même si, comme elle le confie, cette force n’a pas toujours été une évidence : «C’est vraiment la persévérance qui m’a permis de me rendre où je suis maintenant.».
Des stéréotypes encore bien présents
Cependant, certaines remarques témoignent encore des stéréotypes persistants envers les personnes vivant avec un handicap. Elle nous livre quelques anecdotes, reflet de milliers d’autres personnes vivant avec un handicap, qui font preuve d’ingéniosité pour s’adapter à un monde qui, trop souvent, n’a pas été pensé pour elles.
«Je suis rentrée à l’hôpital Notre-Dame et on m’a dit, “Madame, l’ophtalmologie n’est pas ici.”
Certes, je n’avais pas ma carte d’employée sur moi, mais ça fait partie des limites de penser qu’on ne peut pas travailler.
Comment on va faire pour consulter nos courriels? Comment on fait pour écrire?...
Tu fais du ménage? Tu cuisines? Tu fais du casse-tête de mille morceaux? Et même me déplacer, tu prends le métro, l’auto bus? Mais tu n’as pas de chien? Parce qu’on pense que oui, les personnes non voyantes devraient avoir un chien guide… Toutes ces questions-là sont générées par des mythes, que moi j’ai du plaisir à déconstruire.»
Des préjugés qui vont bien au-delà des aspects pratiques de la vie quotidienne à gérer en ayant perdu la vue, jusqu’à remettre en question les capacités à suivre un parcours académique:
«J’ai une maîtrise en administration des services de santé, gestion de la qualité, de la sécurité des patients.
Et on dit, “Oh, mon Dieu, tu t’es rendue à la maîtrise! Mais comment t’as fait? Et es allée à l’université!”
“Ça me mettait mal à l’aise au début quand je venais de perdre la vision. Quand j’étais encore dans mon deuil, mais maintenant non. Je suis ouverte. Je réponds aux questions et ça me fait plaisir.”
Avec humour, elle déconstruit les mythes et choisit de ne pas laisser ces stéréotypes la définir. Elle mord dans la vie avec appétit et son quotidien est bien rempli : travail à temps plein, musique, voyages, lecture, artisanat, tricotage, randonnées pédestres… “Rien n’est à mon épreuve”.
Surtout, Camille se donne des défis, comme celui de participer au défi-vision Mira à Granby “J’ai toujours rêvé de faire ça, je vais m’inscrire peut-être l’année prochaine”.
Nous te le souhaitons!
Merci, Camille, de nous rappeler que l’accessibilité ne se limite pas à l’aménagement physique des lieux, mais concerne aussi l’ouverture d’esprit, la communication et l’adaptation collective.
En cette semaine dédiée aux personnes en situation de handicap, prenons un moment pour regarder autour de nous. Chaque handicap est unique : visible ou invisible, physique, sensoriel, intellectuel ou psychologique.
Vous souhaitez tester vos réflexes et vos connaissances? Participez au jeu-questionnaire pour mieux connaître les réalités des personnes vivant avec un handicap.