Au Centre de réadaptation Raymond Dewar, une équipe multidisciplinaire assure le suivi clinique et psychosocial d’usagers et usagères de tous âges vivant avec une déficience auditive ou une surdité.
Parmi toutes ces personnes, les jeunes malentendants et malentendantes qui fréquentent une école secondaire sont souvent en quête de modèles et de représentation. Dans un monde conçu pour les personnes qui entendent, difficile pour les ados qui portent des appareils ou un implant de se faire une place en toute confiance.
Pour ces jeunes, Catherine Deschatelets, audiologiste, Marie-Pierre Girard, psychoéducatrice et Géraldine Jutel, éducatrice spécialisée, ont créé le groupe Communik’action.
Alternatives à l'urgence
Il y a actuellement une grande pression sur le réseau de la santé. Il existe d’autres options que l’urgence :
Actualités
Communik’action : dédramatiser pour mieux vivre en société
Un projet sur mesure
Les adolescents et adolescentes portant des appareils auditifs ou des implants ont des besoins bien précis, en termes de communication et d’audition, bien sûr, mais aussi en ce qui concerne leur réalité, leur place dans la société et les questionnements propres à la période de développement critique qu’ils et elles traversent.
Pour les aider à mieux vivre leur réalité, Géraldine Jutel, Marie-Pierre Simard et Catherine Deschatelets ont réuni 6 jeunes avec une déficience auditive pour leur permettre de travailler ensemble sur leurs défis de communication.
Autour d’activités telles que des jeux de société, un jeu d’évasion et de nombreuses discussions entre jeunes et avec leurs intervenantes, les ados ont passé 3 après-midis ensemble et développé des stratégies de communication.
Les intervenantes leur ont aussi appris à prendre l’autobus en toute autonomie, à effectuer des tâches du quotidien comme des achats chez le dépanneur, et bien d’autres activités essentielles du quotidien.
Catherine Deschatelet explique :
« Certains jeunes sont en écoles intégrées et ne voient personne porter des appareils auditifs ou des implants.
Les jeunes sans problème d’audition et les jeunes sourds et sourdes gestuelles peuvent participer à de nombreuses activités, mais les jeunes qui portent des appareils ou des implants n’en ont que très rarement l’occasion.
Communik’action leur permet de travailler en groupe, avec des gens qui leur ressemblent. »
Une formule gagnante pour dédramatiser
Il est essentiel pour ces jeunes de pouvoir se retrouver, comme tout le monde, entre personnes qui se comprennent et se ressemblent.
Alors que chacun et chacune bénéficient d’un suivi individuel par ces intervenantes, leur participation à Communik’action leur a permis de répondre à leur besoin d’identité.
Ensemble, les participants et participantes ont pu partager leurs expériences et même dédramatiser leur surdité.
Marie-Pierre explique : « Ils ont parlé de leur réalité et ils ont vu qu’ils vivaient tous plus ou moins les mêmes défis, mais que leur surdité pouvait aussi avoir certains avantages. Comme éteindre leurs appareils pour se mieux se concentrer en examen, ou ne pas entendre leurs parents qui leur demandent de faire des tâches ménagères! »
Cela leur a aussi permis d’augmenter leur niveau de socialisation, et leur confiance en leurs capacités.
Exemple du succès du projet, Rae* n’osait pas faire répéter les gens qui lui parlaient, et avait beaucoup de difficulté à porter ses appareils et n’attachait jamais ses cheveux, pour éviter de les montrer.
Après sa participation au groupe Communik’action, elle a partagé avec Géraldine, son éducatrice, son expérience à la journée portes ouvertes de son école secondaire. Cheveux attachés, elle a assuré l’accueil des visiteurs et visiteuses à qui elle annonçait sans aucune hésitation qu’elle les ferait souvent répéter. En toute confiance, Rae a endossé un rôle qui lui tenait à cœur, avec plaisir et détermination. Comme toute adolescente passionnée!
Avec Rae, le suivi individuel a finalement été de courte durée, car les progrès qu’elle a faits en participant au groupe lui ont mis toutes les cartes en main pour vivre à fond sa vie d’adolescente, en toute confiance.
Pour Géraldine, son éducatrice, l’intervention en groupe est essentielle pour les jeunes, mais aussi pour les intervenantes. Elle ne cache pas sa fierté :
« J’ai mieux compris leur réalité. Bien sûr, on sait que ça entraîne de la fatigue, et que c’est difficile de faire répéter. Mais en les voyant en action, j’ai mieux compris à quel point c’était difficile pour certaines.
J’ai mieux compris leur vision. J’ai souvent envie de les pousser dans une direction, mais depuis j’ai plus envie de rester à côté d’elles et eux et de les accompagner.
Et je suis aussi très fière. C’est magnifique de les voir capables de se débrouiller seul.e.s, et de s’approprier leur réalité. »
Une alliance d’expertise au service des jeunes
Le succès de ce projet repose avant tout sur les différentes expertises des intervenantes.
Sur le plan clinique, Catherine offre son soutien en termes de diagnostic et de réadaptation, et recommande de stratégies de communication.
Elle témoigne : « En tant qu’audiologiste, je recommande des appareils, car je connais leurs avantages.
L’expérience dans le groupe m’a permis de comprendre ce que les jeunes ressentent par rapport à ça. J’ai été impressionnée par leur vision de leur situation au quotidien. »
De leur côté, Géraldine et Marie-Pierre accompagnent les jeunes en tenant compte de leurs besoins psychosociaux, et les aident à appliquer les recommandations et stratégies en les adaptant à leurs réalités et à leurs défis.
Ainsi entouré.e.s, les jeunes ont la possibilité d’oser communiquer, d’assumer leur réalité et d’être plus autonomes.
Marie-Pierre confie, « Au niveau personnel, c’est beaucoup de fierté! On travaille individuellement, on les connaît. Mais de les voir en action, de les voir essayer ce qui a été discuté et de constater leur progression, de les voir prendre leur place pour celles et ceux qui étaient très timides au début… Disons que c’est difficile de ne pas applaudir!
C’était beaucoup de plaisir et de fierté de les voir aller et réussir à se positionner. Dans ce groupe, on les a vu.e.s devenir de vrai.e.s ados, ce ne sont plus des petits bébés. »
Fiers et fières de leur travail, les jeunes ont tenu à nous faire passer un message, pour nous aider à mieux communiquer.
Pendant leur participation au groupe, tous et toutes ont participé à une réflexion commune et ont conçu un visuel à partager à volonté!
Plusieurs ont tenu à témoigner :
« Je voulais surtout sortir de ma zone de confort et voir d’autres personnes qui sont plus ou moins de la même situation que la mienne — entendre mal ou être sourde.
Depuis mon intégration dans des classes régulières, c’est rare de rencontrer des gens qui ont la même expérience que moi.Ce qui m’a beaucoup aidée, ce sont les conseils qu’on nous a donnés. Même si je le faisais déjà, par exemple, demander à mes amies d’aller se parler dans un endroit moins bruyant puisque je ne comprends pas bien, leurs suggestions m’ont rassurée. J’ai compris que je n’étais pas seule.
Et il y avait aussi la communication avec les autres. J’ai pu rencontrer quelques personnes avec qui on a discuté de nos expériences de surdité. », Rae
« Communik’action m’a aidé à m’intégrer facilement et faire de nouvelles rencontres. Ça m’a permis d’essayer des stratégies de communication. », Rodman
« J’ai pu rencontrer des gens qui portent des appareils comme moi, je sais que je ne suis pas la seule à vivre avec une surdité. C’est pas tout le monde qui fait attention, les gens ne savent pas forcément qu’on est malentendants. C’était amusant, j’encourage les jeunes dans ma situation à participer à ce groupe! », Charlotte
Prêtes pour la prochaine édition!
Plus d’autonomie, plus de confiance, beaucoup de fierté, mais aussi une fluidité optimale des soins et services, et une performance accrue grâce à un suivi de groupe ciblé, aux résultats prouvés… Le projet pilote Communik’action a fait ses preuves à bien des égards.
Ses créatrices sont d’ailleurs fin prêtes à renouveler l’expérience, de même que les nombreux et nombreuses jeunes volontaires pour y participer. Au vu de la liste d’attente pour y participer, nous ne pouvons qu’être confiantes : Communik’action et son rôle essentiel sont là pour durer.
Merci à Catherine Deschatelets, Géraldine Jutel et Marie-Pierre Girard, ainsi qu’aux participants et participantes de Communik’action, d’avoir partagé leur expérience avec nous.