Il y a plusieurs vies dans une vie, et c’est bien cela qui nous la rend attrayante.
- Maryse Wolinski
Plusieurs vies, c’est bien peu pour comptabiliser toutes celles que Rosa Pascual a vécues.
Médecin anesthésiste, demandeuse d’asile, préposée aux soins préopératoires, résidente en anesthésie, agente administrative, coordonnatrice en gestion des risques, cheffe de service, spécialiste de l’informatisation des processus… Rosa Pascual, aujourd’hui conseillère-cadre en gestion intégrée des risques au CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal a su faire de son parcours d’immigrante et de professionnelle un succès.
Elle nous a dévoilé une partie de son histoire, et raconté certaines de ses nombreuses vies.
La première, à Cuba, comme médecin anesthésiste, était celle d’une jeune professionnelle brillante et pleine d’ambition. Sélectionnée pour présenter son étude sur l’utilisation de la clonidine par voie péridurale et l’analgésie de ce médicament au Congrès mondial des anesthésistes de Montréal, elle saisit cette occasion à bras le corps. C’est décidé : elle participera au congrès, et demandera l’asile au Canada.
Direction Montréal, avec une valise pleine de souvenirs et 8 $ américains. Sa débrouillardise et son esprit d’initiative aidant, Rosa sait s’entourer et définir ses priorités. De cours d’anglais, en francisation, en passant la gestion d’un budget très serré, les innombrables démarches d’immigration, les multiples logements et les aléas de l’intégration dans un pays étranger, son objectif est clair : recommencer à exercer la médecine.
Tous les emplois sont importants
Après un emploi dans une agence d’aide à la population cubaine, Rosa intègre le réseau de la santé québécois, en 2003. En tant que préposée aux soins préopératoires au bloc opératoire de l’hôpital de Saint-Jean-sur-Richelieu, elle reconstruit sa carrière, et jette les fondations de sa nouvelle vie.
À son poste, elle retrouve la vie du bloc opératoire et le travail d’équipe. Impressionnant les membres de son équipe par ses connaissances, cette médecin dans l’âme n’hésite pas à conseiller et accompagner ses collègues à tous les niveaux de pratique.
Tous les emplois sont importants. J’étais médecin anesthésiste dans mon pays, mais je trouvais aussi important et utile d’être préposée. En tant que préposée, j’ai compris et appris des choses que je ne connaissais pas en tant que médecin. Ça m’a offert des compétences transversales qui m’aident beaucoup dans mon rôle aujourd’hui.
En 2005, Rosa retourne à ses premières amours et devient médecin résidente en anesthésie. Un passage long, mais obligé pour exercer ici.
Brillante, impliquée, elle travaille dans plusieurs hôpitaux montréalais et s’efforce d’améliorer les processus et d’introduire les meilleures pratiques partout où elle exerce.
Parmi ses réalisations, nous retiendrons la manière dont elle a enseigné — à ses professeurs et professeures! – et mis en œuvre la mesure échographique pour faciliter l’installation d’un cathéter d’épidurale sur les femmes enceintes en situation d’obésité morbide. Une grande première à la maternité de Sainte-Justine!
Pourtant, après 4 ans de résidence, elle fait le choix personnel de changer de carrière.
Elle explique « J’adorais ma profession, j’ai découvert toute la pression autour de cette profession ici au Québec. Je me suis demandé “Est-ce vraiment ça que je veux dans ma vie?” Mon objectif, ce n’était pas de devenir riche. C’était de vivre en paix. Et d’améliorer les choses. »
Passionnée, toujours, elle opte pour une maîtrise en administration des services de santé, avec option gestion de la qualité. Pour gagner sa vie pendant ses études, elle est devenue agente administrative classe 1… en bloc opératoire!
Encore une fois, tous les emplois sont importants. Alors j’ai cherché ce que je pouvais faire pour changer les choses. Les anesthésistes sont des gestionnaires des risques par excellence! Cette profession est très risquée, on est formé.e.s selon les normes de sécurité de l’aviation. La gestion des risques et de la qualité, c’est ma passion depuis toujours ou presque!
Une nouvelle carrière sur mesure était née.
Foncer. Créer. Agir.
Son diplôme en poche, direction Gaspé et une nouvelle vie. Encore.
En tant que conseillère en gestion des risques et en gestion de la qualité au CSSS de la côte de Gaspé, elle prend sa nouvelle carrière à bras le corps, grâce à l’une de ses plus grandes qualités : sa capacité à FONCER.
Du CSSS de la Côte de Gaspé, elle passe à celui de Pierre-de-Saurel, et poursuit sa route au CISSS de la Montérégie-Est. De plus en plus proche de cette ville qui a définitivement changé sa vie, elle intègre ensuite l’Institut de cardiologie de Montréal… et se découvre une autre grande passion : l’informatisation clinique.
Après un diplôme d’études supérieures spécialisées en informatique de la santé à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke, Rosa Pascual, médecin, conseillère en gestion des risques et de la qualité, ajoute la corde de l’informatisation à son arc.
Quand j’étais résidente en anesthésie, j’étais une passionnée. J’ai transformé cette passion de l’action clinique et des processus bien menés en l’adaptant à mes nouvelles fonctions.
Je voulais VRAIMENT travailler en gestion des risques et de la qualité. Aujourd’hui, j’ai trouvé ma place. Et je continue à défendre l’intérêt des patients et patientes chaque jour.
Redonner aux suivantes
En plus de défendre les intérêts des usagers et usagères, vous l’aurez compris, ce dont Rosa a besoin c’est d’agir. Agir pour réaliser, améliorer, atteindre toujours plus d’objectifs. Agir pour elle, pour les patients et patientes et pour celles et ceux qu’elle accompagne dans leurs démarches d’immigration.
Car sa compassion et son empathie ne s’arrêtent pas aux portes du réseau de la santé. Dans le cadre de groupes de soutien aux nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants, Rosa a accompagné pendant plusieurs années des personnes qui — comme elle — ont quitté leur pays et leur carrière médicale pour une vie meilleure.
Parce qu’elle se considère chanceuse d’être aussi forte et fonceuse, elle encourage celles et ceux qui traversent les mêmes épreuves, et partage un peu de sa force. Elle améliore les choses. À sa façon : en analysant les risques, et puis en fonçant.
Son conseil aux nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes? « Il y a un chemin pour toi. Tu vas le trouver. On a besoin de monde dans le réseau de la santé. Fonce et tu vas y arriver! »
Merci Rosa, pour toutes les vies que tu as contribué à changer.