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Endométriose : une femme sur dix

Dre Valérie Kingsbury

L’endométriose est une maladie qui touche les femmes en âge de procréer. Elle se caractérise par la présence de tissu semblable à l'endomètre — muqueuse de l’utérus — à l’extérieur de l’utérus.

Même si elle fait l’objet de beaucoup de recherche, l’endométriose reste difficile à diagnostiquer et à traiter. 

À l’occasion du Mois de sensibilisation à l’endométriose, la docteure Valérie Kingsbury, gynécologue à l’Hôpital Notre-Dame, nous aide à démystifier cette maladie complexe.

1. Selon vous, et selon le nombre de patientes que vous recevez, quel est le pourcentage de femmes atteintes d’endométriose aujourd’hui?

On sait aujourd’hui que 10 % des femmes sont atteintes d’endométriose. Bien sûr, c’est un chiffre approximatif, car beaucoup sont asymptomatiques ou ne consultent pas. Mais on estime qu’une femme sur dix a de l’endométriose.

On sait aussi que 70 % des femmes qui consultent un médecin en raison de douleurs pelviennes sont atteintes d’endométriose.

Parfois on opère les femmes pour d’autres pathologies, des fibromes ou autres. Et dans 15 % des cas, on découvre, pendant l’intervention, qu’elles sont aussi atteintes d’endométriose.

Il faut aussi comprendre qu’en tant que gynécologue généraliste, les consultations urgentes que je reçois sont liées à des problèmes de santé autres que l’endométriose.

Les patientes qui souffrent de douleurs pelviennes chroniques ne consultent pas toujours. Et quand elles consultent, ce n’est pas en urgence et ça peut prendre du temps.

Malgré tout, je constate la même chose que ce que révèlent les études et les recherches : on découvre de l’endométriose chez 15 % des femmes qu’on opère, même quand on ne s’y attend pas. 

2. Ce sont des chiffres impressionnants! Selon vous, comment sensibiliser les femmes à cette maladie, pour les encourager à consulter?

La clé numéro 1, pour l’endométriose et les autres problèmes gynécologiques, c’est parler!

Ce que je constate, depuis que je pratique, c’est que les femmes ne connaissent pas beaucoup de choses sur la santé gynécologique. Pourtant, en tant que femmes, on vit cette réalité gynécologique chaque mois! Notre cycle influe sur la manière dont on se sent, dont on vit parfois.

Donc, parler, expliquer ce que l’on ressent, c’est vraiment la première étape. On parle quand même d’une femme sur 10 qui souffre!

Parmi mes patientes, je vois aussi des femmes qui savent qu’elles sont atteintes d’endométriose, mais qui ne savent pas vraiment ce que c’est.

Je leur explique simplement : « Quand tu es menstruée, tu saignes dans ton ventre. Il y a du sang dans ton ventre, et ça crée beaucoup d’inflammation. C’est ce qui te donne ces douleurs. » Et là, tout s’éclaire, elles savent!

Et ce que je recommande depuis toujours, c’est aussi de renforcer la sensibilisation auprès des professionnel.le.s de première ligne. Si une échographie pelvienne donne des résultats normaux, cela ne veut pas dire que la patiente n’a pas d’endométriose.

Cela veut juste dire qu’elle n’a pas de kyste d’endométriose sur les ovaires. Elle peut par contre présenter des lésions d’endométriose plus ou moins profondes, sur les organes, sur les parois. Et cela ne se verra pas à l’échographie.

Si une patiente se plaint de douleurs pelviennes chroniques et que ses échographies pelviennes sont normales, il faut proposer une imagerie à résonnance magnétique (IRM). Même si une IRM peut aussi passer à côté de lésions très profondes, c’est un examen beaucoup plus précis, qui offre d’excellents résultats.
On ne doit pas banaliser la douleur des femmes. Si nos patientes souffrent, on doit toujours pousser plus loin. 

3. Quand on parle de gynécologie, on parle beaucoup d’errance médicale. Ça prend souvent des années de douleur et de visites infructueuses chez des médecins avant d’obtenir une référence chez une spécialiste comme vous, et un diagnostic. Dans ce contexte, comment peut-on encourager les femmes à consulter? 

Je donne le même conseil : il faut parler! Si les femmes savent qu’une femme sur dix souffre d’endométriose, elles se sentiront plus concernées. Elles seront plus enclines à consulter.

Ensuite, pour savoir s’il faut ou non consulter, il faut observer son cycle et sa douleur.

On banalise trop souvent la douleur des femmes. Et c’est encore pire dans les cas d’endométriose indétectables à l’imagerie. Lorsqu’on voit un gros kyste endométrial lors d’une échographie, on comprend pourquoi on souffre. Mais dans le cas de lésions invisibles lors des examens, on ne sait pas! 

Ce qu’il faut répéter, c’est que les menstruations ne doivent pas vous rendre malades.

On peut ressentir des douleurs durant les règles, à cause de l’inflammation. Mais ces douleurs doivent pouvoir être soulagées en prenant des antidouleurs classiques, comme du Tylenol ou de l’Advil. Elles ne doivent pas non plus vous empêcher de vivre normalement. 

Des situations que l’on considère souvent comme de simples règles douloureuses peuvent être des signes d’endométriose :

  • Douleurs qui nécessitent des médicaments plus forts que l’Advil ou le Tylenol
  • Vomissements, évanouissements, malaises causés par les menstruations 
  • Incapacité à travailler, pratiquer des activités ou fonctionner normalement à cause des menstruations 
  • Douleurs lors des pénétrations profondes pendant les rapports sexuels

Ces douleurs et malaises ne sont pas la normalité. Si vous en souffrez, vous devez consulter.

La nouvelle génération de médecins est plus sensible à cette maladie, on y est plus attentives. Alors, parlez de vos douleurs, insistez.

Et si les examens ne sont pas concluants, demandez une résonnance magnétique.

4. On dit souvent que l’endométriose est une maladie impossible à soigner durablement. Pouvez-vous nous en dire plus sur les solutions proposées? 

C’est en effet une pathologie complexe. Les menstruations en sont la cause, et chaque période de menstruation crée plus de lésions. À chaque cycle, les femmes sont donc encore plus malades qu’avant. 

La seule manière de les traiter, c’est donc d’arrêter les règles.

Pour cela, on a des solutions 

  • On peut prescrire un progestatif, comme le traitement Visanne. Les progestatifs réduisent l’effet de croissance de l’œstrogène sur l’endomètre. On vient alors amincir l’endomètre à tel point, qu’on n’a plus de menstruations. Le cycle « inflammation — douleur — période de repos – inflammation » prend fin, et les douleurs disparaissent. 
  • Si cette solution ne fonctionne pas, on peut provoquer la ménopause en limitant la production d’œstrogène par les ovaires. C’est loin d’être idéal, car les femmes que l’on traite sont souvent loin de l’âge de la ménopause. On essaie de leur administrer des doses réduites, pour éviter les symptômes de la ménopause et ses effets néfastes sur la santé à cet âge.  

Malheureusement, ce sont les seuls traitements que l’on a pour le moment, et ils entraînent tous des effets secondaires : manque de libido, sautes d’humeur, symptômes de ménopause, etc.

Si les traitements ne fonctionnent pas, on propose une intervention chirurgicale pour retirer les lésions.

Dans les pires cas, on propose une hystérectomie (ablation de l’utérus).

Le problème de cette maladie, c’est qu’on peut traiter les symptômes et soulager les patientes, mais qu’elle revient tant que les patientes ne sont pas définitivement ménopausées.

Donc même après une intervention chirurgicale, il faut parfois prendre des hormones.

5. Quels conseils pouvez-vous donner aux femmes qui doivent subir une intervention chirurgicale?

Ne vous faites pas opérer par n’importe qui! C’est mon conseil.

Assurez-vous que votre gynécologue est formé.e en laparoscopie et en endométriose.

Et rassurez-vous : nous, les gynécologues formé.e.s pour cela, on s’entoure de plusieurs spécialistes quand c’est nécessaire.

Lorsqu’il y a des risques que les lésions touchent différents organes, nous opérons en équipe avec des urologues et des chirurgiens généraux. Cela permet de s’assurer de ne pas endommager les organes atteints.

La solution de l’intervention chirurgicale est très efficace. Mais encore une fois, ce n’est pas une alternative complète. Même si on retire l’utérus, tant que la patiente a des ovaires actifs, elle devra probablement prendre un traitement hormonal.

6. Et la fertilité, dans tout ça? 

Ce que je répète aux femmes, c’est que ce n’est pas parce qu’elles ont de l’endométriose qu’elles sont infertiles. Il y a beaucoup de femmes qui en sont atteintes et qui n’ont aucun problème pour avoir des enfants. C’est juste qu’elles, on ne les voit pas dans les cliniques de fertilité. 

Mais oui, l’endométriose peut altérer l’anatomie, les trompes et les ovaires notamment. L’inflammation peut nuire à la fécondation, au fonctionnement des spermatozoïdes et à la qualité des ovules.

En quelques chiffres, 50 % des patientes qui consultent en fertilité souffrent d’endométriose.

Quand mes patientes atteintes d’endométriose ont moins de 35 ans et veulent avoir un enfant, je leur conseille d’essayer naturellement pendant 6 mois. Après 6 mois d’essais sans succès, je leur conseille un suivi en fertilité.

En ce qui concerne mes patientes atteintes d’endométriose de plus de 35 ans, je serais tentée de les envoyer tout de suite en clinique de fertilité.
Comme ça, on met toutes les chances de leur côté.

7. Que diriez-vous à une femme qui vient d’apprendre qu’elle est atteinte d’endométriose? 

T’es pas toute seule! Je sais que je me répète, mais 1 femme sur 10 a de l’endométriose. Ça fait beaucoup de personnes qui te comprennent. Il existe des groupes de soutien, des organismes, des communautés pour t’épauler. 

Il y a aussi de l’espoir. Avant, le seul traitement était l’hystérectomie et aujourd’hui on en a plein des solutions. Même si elles ne sont pas parfaites, elles existent. Et il y a des médecins qualifiés pour te les proposer.

Je remarque souvent que, quand les femmes reçoivent leur diagnostic, elles sont parfois soulagées. Elles comprennent l’origine de leurs douleurs et leur réalité est validée. 

Le diagnostic, c’est souvent le bout du tunnel pour les femmes qui souffrent depuis longtemps. C’est pour ça qu’il faut… parler! Encore et toujours, parler et sensibiliser.

Une femme sur dix, c’est vrai que ça donne envie de parler. 

La nouvelle génération de médecins est en train de changer la donne; elle a tant de connaissances et de bienveillance à partager. Du fond du cœur, merci à la docteure Valérie Kingsbury d’avoir pris le temps de nous éclairer sur ce douloureux sujet.