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Centre intégré universitaire
de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal

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Alternatives à l'urgence

Il y a actuellement une grande pression sur le réseau de la santé. Il existe d’autres options que l’urgence :

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Actualités

Martine Thériault, une femme engagée, dévouée à la qualité de vie des citoyens de la communauté du Sud-Ouest

L'entrevue de Martine Thériault, organisatrice communautaire nouvellement retraitée du CCSMTL et récipiendaire de la médaille d’honneur de l’Assemblée nationale pour sa contribution exceptionnelle à la communauté. 

La médaille d’honneur de l’Assemblée nationale vous a été décernée récemment – remise des mains de Mme Dominique Anglade – en guise de mérite pour votre longue et formidable carrière à titre d’organisatrice communautaire. Qu’avez vous ressenti lorsque vous appris que vous seriez récipiendaire de ce prix prestigieux ?

MT : La remise de la médaille de l’Assemblée nationale a été une totale surprise pour moi. Quelques semaines après avoir pris ma retraite, j’ai reçu un appel du bureau de Madame Anglade m’invitant à la rencontrer parce qu’elle souhaitait souligner mon départ à la retraite. C’est uniquement lors de la rencontre à son bureau de comté, que j’ai appris qu’elle me remettait cette médaille; un honneur soulignant mon apport à la qualité de vie des citoyens de la communauté du Sud-Ouest comme organisatrice communautaire au CIUSSS au cours des 36 dernières années.

J’ai eu le plaisir de recevoir cette médaille en présence de mes collègues Miriam Rouleau-Perez, organisatrice communautaire, et de Marie-Josée Lemieux, cheffe en prévention-promotion au sein du Service de santé publique territoriale-développement des communautés.

L’organisation communautaire c’est avant tout un travail collectif de mobilisation et de développement des communautés. Cette médaille n’est pas uniquement le fruit de mon engagement, c’est une reconnaissance du travail de toute l’équipe d’organisation communautaire au CCSMTL en partenariat avec les organismes communautaires du territoire.

Parlez-nous un peu de votre parcours et de ce qui vous a dirigé vers la carrière d’organisatrice communautaire.

MT : Étudiante, je souhaitais une carrière dans le domaine social en vue d’être en contact avec des gens, d’être à leur service, de faire une différence. Nouvellement diplômée en service social de l’Université de Montréal, j’ai obtenu un emploi à temps partiel comme travailleuse sociale au point de services du CLSC de St-Henri situé dans le quartier de la Petite-Bourgogne, en janvier 1984. C’est dans ce quartier que l’on recense la plus grande concentration de logements sociaux à Montréal.

Quelques mois plus tard, j’ai commencé à travailler à Amitié Soleil un organisme communautaire famille du quartier. Ce travail m’a permis de découvrir le quotidien des familles vivant dans un contexte de pauvreté et leur volonté de s’impliquer dans le développement de projets et services visant à répondre à leurs propres besoins. Je voyais des femmes reprendre confiance en elle par leur implication dans la mise sur pied d’un projet de halte-garderie ou de coop d’habitation ou encore dans le cadre de leur participation à un programme d’employabilité. Au cours de ces deux premières années de travail, j’ai découvert tout le potentiel de l’action communautaire pour finalement obtenir un poste en organisation communautaire au CLSC de St-Henri en 1986.

Les multiples réorganisations et fusions m’ont amenée à terminer ma carrière au sein de la Direction des services généraux et des partenariats urbains plus précisément dans le Service de santé publique territoriale – développement des communautés. Comme j’ai longtemps porté les dossiers enfance-famille, j’ai aussi collaboré étroitement avec les équipes multidisciplinaires de la Direction jeunesse du CIUSSS tout au long de ma carrière. C’est un défi en organisation communautaire de devoir conjuguer avec les allégeances et attentes multiples santé publique, programmes-services et communauté!

Après tant d’années au service de la communauté dans le domaine social et de la santé – lesquelles ont été ponctuées de nombreuses réformes du réseau au fil du temps – quelle a été votre plus grande source de motivation ?

MT : Travailler au quotidien avec les familles et les accompagner dans des projets visant à améliorer leur qualité de vie a toujours été ma principale source de motivation. Au-delà des différentes réformes du réseau de la santé au fil des années, le travail en organisation communautaire prend son sens dans les besoins de la communauté et le développement des quartiers dans une perspective de prévention et de promotion de la santé des populations.

Agir sur les déterminants de la santé que sont l’accès aux services de garde, au logement, à l’alimentation, à l’emploi, à un réseau de soutien social; c’est contribuer directement à la lutte à la pauvreté, à la réussite scolaire, à la solidarité, à la qualité de vie et à la santé des populations. C’est un engagement professionnel extrêmement valorisant qui appelle sans cesse à analyser, mobiliser, collectiviser, imaginer, créer, influencer, soutenir, saisir les opportunités, développer, réajuster. Le tout en partenariat étroit avec les organismes communautaires des quartiers, les programmes services du CCSMTL, les milieux scolaire, municipal et autres.

Que pouvez-vous nous dire sur le rôle des organismes communautaires en contexte de pandémie, et comment voyez-vous l’avenir du communautaire ?

Au cours des deux dernières années, la pandémie a mis en lumière le rôle essentiel des organismes communautaires dans les quartiers. Ils ont démontré une grande capacité d’innovation et d’ajustement tout au long des périodes de confinement/déconfinement pour maintenir une réponse adaptée aux besoins des citoyens. Plusieurs d’entre eux ont été les premiers à répondre aux situations d’urgence touchant l’insécurité alimentaire des communautés en début de pandémie de même qu’aux situations vécues par les personnes en situation d’itinérance et par les personnes aînées isolées.

Tout au long de la pandémie, le Service de santé publique et territoriale-développement des communautés du CIUSSS a maintenu des rencontres régulières avec des représentants des tables de concertations de quartiers pour arrimer de part et d’autre les actions en lien avec la gestion de la pandémie. Leur proximité avec la population des quartiers a permis de faire remonter au sein des diverses directions du CIUSSS plusieurs enjeux rencontrés par les citoyens du territoire. Les organismes communautaires ont apporté une aide inestimable dans la diffusion et compréhension des différentes consignes sanitaires par les populations plus isolées.

Leur contribution à la promotion et la tenue des diverses cliniques de dépistage et de vaccination COVID-19 à l’échelle des différents quartiers a été grandement appréciée.

Qu’est-ce que vous avez trouvé le plus difficile ou encore le plus éprouvant dans le cadre de votre travail? De la même façon, qu’est ce qui a été le plus satisfaisant ou valorisant ?

L’organisation communautaire et le développement des communautés est un travail de longue haleine. Il est souvent difficile et frustrant de développer des projets et des ressources durables dans un contexte où le financement est de courte durée. Ça demande des montages financiers compliqués engendrant de multiples redditions de compte. Ces enjeux de financement constituent un éternel recommencement; c’est usant pour le milieu communautaire. Cette situation crée aussi beaucoup d’instabilité au niveau des ressources humaines. Dans le contexte actuel de la pandémie, avec les pénuries de main-d’œuvre, le milieu communautaire peine à offrir des conditions de travail attrayantes et compétitives. À mon avis, le gouvernement devra nécessairement réinvestir dans le milieu communautaire pour le garder bien vivant au cours des prochaines années.

Par ailleurs, j’ai l’opportunité de quitter pour la retraite en laissant des réalisations auxquelles j’ai contribué et qui vont continuer d’évoluer dans le temps. Je pense ici à la mise sur pied de deux organismes en sécurité alimentaire, à la création de deux tables de concertation, au développement de plus de 500 nouvelles places en CPE dans les quartiers Petite-Bourgogne, Griffintown et St-Henri. C’est valorisant et rassurant de savoir que ces organismes seront là pour le bénéfice des populations, encore longtemps.

Y a-t-il une histoire marquante concernant un usager ou une famille, et que vous voudriez partager avec nous ?

MT : C’est souvent à travers leur implication communautaire que des citoyens découvrent leur leadership et leur potentiel. Ils changent ainsi le cours de leur vie. Je pense ici à une jeune maman monoparentale bénéficiaire de l’aide sociale qui s’est impliquée dans le démarrage d’un CPE et qui a finalement occupé le poste de cuisinière de ce même service de garde pendant plus de 20 ans. Il y a aussi cette locataire de HLM qui a été élue présidente de l’association de locataires d’un parc de HLM. Elle a par la suite siégé au conseil d’administration de l’OMHM et a été élue présidente de la Table de concertation du quartier de la Petite-Bourgogne. Un centre communautaire local porte son nom aujourd’hui. Ces personnes, et bien d’autres, m’ont impressionnée par leur résilience, leur engagement et leur combativité.

Que retenez-vous de votre carrière et que souhaiteriez-vous améliorer dans le domaine des organismes communautaires au profit de la communauté.

MT: Avec le recul, je constate que j’ai appris à être l’organisatrice communautaire que je suis devenue sur le terrain avec les gens que j’ai eu la chance de côtoyer. Ce sont eux qui m’ont formée. Certains de mes premiers collègues, coordonnateurs(trices) et partenaires ont été une grande source d’inspiration. Ils m’ont appris le respect des populations, l’authenticité, l’équité, la persévérance, la solidarité. Ce sont ces valeurs que j’ai tenté de laisser à l’équipe d’organisation communautaire comme collègue et dans le cadre de mon rôle de répondante communautaire (soutien clinique) au fil des ans. Je me considère très chanceuse d’avoir œuvré au sein d’une équipe soutenante, volontaire et extrêmement soucieuse du bien-être et de la santé des populations locales.

Les dernières années ont été difficiles pour le milieu communautaire. Les organismes sont essoufflés. J’espère qu’ils recevront une réponse positive à leur demande de reconnaissance auprès du gouvernement. Les populations locales ont besoin de toute la vigueur et de la capacité d’innovation des organismes communautaires pour les aider à faire face à l’après pandémie.

Je souhaite une longue vie à l’équipe d’organisation communautaire du CIUSSS et aux partenaires du milieu communautaire.

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Selon les collègues de madame Thériault, un de ses legs est de faire les choses en équipe, collectivement… C’était son approche, sa force, la force de son équipe. Les membres de cette dernière ont voulu en témoigner et lui rendre hommage, à leur tour :
« Martine a été une mentor, une inspiration pour l’équipe. C’est une femme avec un savoir exceptionnel, une connaissance du milieu, de l’histoire, de ses acteurs(trices). Une personne calme et à l’écoute des autres, toujours soutenante, pertinente, intelligente. Nous avons eu la chance de la côtoyer, d’apprendre et d’intégrer son « approche » qui reste vivante au sein de notre équipe ! Martine disait “notre force, c’est notre équipe !” Notre équipe en organisation communautaire est également une force et une alliée pour le CIUSSS. »

« Martine incarne les valeurs de la profession de l’organisation communautaire : solidarité, respect, autonomie, démocratie et justice sociale. »

« Martine aura vécu de grands passages historiques au cours de ses 36 années de carrière. L’époque du point de service dans la Petite-Bourgogne, très près des citoyen(ne)s, l’époque CLSC à St- Henri, la crise du verglas en 1997, alors qu’elle était au front à aider les citoyen(ne)s du quartier qui devaient quitter leurs logements et se rendre dans des abris collectifs. C’est sans compter la création du guichet d’accès aux CPE, qui dessert maintenant le Québec entier et la création de nombreux CPE dans les quartiers et les actions visant l’amélioration des conditions de vie des familles et des tout-petits. Et s’est ajouté à cela, récemment, la pandémie qui a mis encore au front la profession des organisateurs(trices) communautaires, dont l’apport important de Martine pour soutenir, guider, accompagner les collectivités les plus vulnérables et les plus affectées de par l’aggravation des grandes inégalités sociales. »

Sabrina, Marie-Michèle, Hélène, Kevin, Ève, Catherine, Marie-Andrée, Sébastien, Valérie, Marie-Josée, Alain, Manuel, Elise, Louise, Katia, Jessica,  Renée-Ève, René, Marion, Miriam  (Ses collègues organisateurs(trices) communautaires en CLSC)