À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, nous aimerions vous faire découvrir les portraits de 4 collègues ambitieux qui contribuent, quotidiennement, à la mission et la vision de notre organisation.
Cette semaine nous vous présentons Alexis Chindebya Deuzoumbe !
Alexis Chindebya Deuzoumbé est originaire du Tchad, le pays de Toumaï (un crâne fossile de primate d’environ 700 millions d’années découvert au Tchad en 2001). Il occupe les postes d’agent de sécurité et superviseur de nuit à l’Hôpital Notre-Dame. Il parle 7 dialectes de son pays en plus de maîtriser l’histoire de son peuple qu’il pourrait nous raconter pendant des heures. J’aimerais préciser que tous les faits historiques mentionnées durant cet entretien ont été partagés par Alexis.
Bonjour Alexis! Pour commencer, peux-tu nous parler de ton parcours?
Je viens du Tchad, un pays situé au cœur de l'Afrique avec une superficie de 1 284 000 km2 et avec une population de 16 millions. Je suis marié, père d’un enfant biologique et d’un autre enfant adopté qui a aujourd’hui 16 ans déjà. J’ai quitté mon pays pour venir m’installer ici à cause de l’instabilité au Tchad. Donc ma famille est encore au pays, mais moi je suis ici. J’étais demandeur d’asile jusqu’en décembre dernier, le moment où ma demande a été acceptée.
En quoi consiste ton travail au CIUSSS?
Au CIUSSS, je suis agent de sécurité à l’Hôpital Notre-Dame. Je travaille comme agent de sécurité et comme superviseur en même temps, superviseur de nuit et de fin de semaine. Monsieur Mario Pelle est le superviseur actuel, mais il prépare bientôt sa retraite et puis son regard est tombé sur moi. Il m’a dit : “Je prends ma retraite et je te fais confiance pour te confier cette responsabilité après moi. Je crois que tu peux mieux faire après.”. C’est comme ça qu’il m’a légué cette tâche. Donc depuis un certain temps, je travaille comme agent et comme superviseur. Nos tâches sont de protéger les biens, le personnel de l’hôpital, les patients. Nous intervenons aussi parce qu’il y a des unités psychiatriques. Nous faisons aussi de la prévention des incendies, des dégâts d’eau, de vol et autres.
Que signifie le Mois de l’histoire des Noirs pour toi et pourquoi est-il important de prendre ce moment pour réfléchir, se commémorer et célébrer les réalisations des communautés noires?
Parler de l’histoire des Noirs, c’est n’est pas faire une erreur. C’est d’abord quelque chose de louable et c’est très apprécié. Parce que nous connaissons ce que l’Homme Noir a subi dans cette humanité. C'est la seule “race” dans le monde que je pourrais dire qui a vraiment subi un traitement des plus atroces. L'histoire nous le relève bien. À travers la traite négrière et tout ça...
Et le pourquoi? Je pense que si on parle de l’histoire des Noirs, ça a sa place. L’Homme Noir a besoin d’être célébré parce que c’est l’Homme brave. Je le dis en tant que Noir que je suis. Il a traversé des situations... Ça prend vraiment une force morale considérable pour surmonter tout ce qu’on a vécu et se replacer dans une société. Et avec la tête haute, arriver à tout pardonner et à dire que nous sommes un, que nous avançons ensemble. Participer aussi à combattre cet ennemi commun que nous avons, par exemple, aujourd'hui la COVID. Je vois toute l’humanité associée ensemble pour combattre cette ennemie-là. Il n’y a pas que ça... Il y a beaucoup d'autres choses que nous combattons ensemble. Donc l’Homme noir a tout oublié... il a fait table rase de tout. Nous oublions la douleur, mais l’histoire reste.
Peux-tu nous parler de ton implication dans la communauté?
Ici, malheureusement, la communauté tchadienne n’est pas tellement grande à Montréal. Il y a juste une famille, la famille du Dr Demdah* que je vois quelques fois. Vous savez quand les repas du pays me manquent, on me dit: “Alexis vient à la maison partager le plat du pays!”. Je côtoie aussi la communauté congolaise. Parce que moi je suis chrétien, très pratiquant et je suis aussi chantre. Ça veut dire que je fais de la musique à l’église.
Au niveau du travail, j'exprime d’abord une joie d’avoir rencontré le peuple haïtien que j’appelle mes propres frères. Même père, même mère... On s’est juste séparés il y a très longtemps. Avec eux, je vous assure, c’est wow, c'est une autre expérience! Je me sens vraiment dans la famille. C’est un peuple avec qui on pourrait passer toute une journée à parler. Ils sont très sociables. Nous partageons nos joies, nos peines, nos fardeaux.
Je commence même à parler le langage (créole). Je leur ai dit moi en créole mon nom c’est bon bagay (le bon gars) (rires). Donc à l’hôpital, si vous venez et que vos demandez qui est bon bagay on va vous dire que c’est moi! Le peuple noir dans le CIUSSS, c'est les frères, les amis... Les gens de l'Afrique, Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, un peu partout... Le CIUSSS m’a aidé à découvrir tout un univers que je n’ai pas découvert dans mon pays.
*Dr Demdah Mady est Doctorat en mathématique. Il a enseigné à l’université au Tchad et un peu en France. Aujourd’hui, il vit à Montréal avec sa famille.
Quel est ton plat du Tchad préféré, à essayer?
En pensant aux plats, j’ai même déjà la salive qui commence à couler (rires). Nous sommes 200 ethnies au Tchad, donc j’ai aussi 200 plats à vous présenter! Le plat de chez moi le plus délicieux est le Né gou i, une sauce préparée à base des feuilles d’haricots et de pâte d'arachides (ce plat est beaucoup consommé par l’ethnie Moundang. Une ethnie dont fait partie Alexis. Les Moundang se retrouve dans le Mayo-Kebbi Ouest, une zone située au sud du Tchad).
Il y a aussi un autre peuple qui s’appelle les Ngambai. Ils ont une sauce qu’on appelle le Nai ngem. La traduction en Français, c’est la sauce longue. Parce que quand on la mange, il faut la tirer et la couper. ll y a beaucoup à découvrir au Tchad!
Peux-tu nous partager le titre d’une chanson tchadienne que tu aimes beaucoup ?
Nous là-bas, nous aimons beaucoup danser. J'ai fait une démonstration à l’église une fois et il y a mon pasteur qui m’a dit: “Ça c’est du 7600 volts!” (rires). Parce qu’on bouge les épaules et tout le corps (démonstration de la danse à l’écran).
Mais il y a un chant qui retient mon attention parce qu’il véhicule un message. Le Tchad est un pays qui a longtemps vécu dans la misère à cause des politiques. Ils ont plongé le pays dans des situations graves. Il y a un donc un artiste musicien, Talino Manu, qui est décédé déjà et qui a chanté cette chanson qui me plaît tellement: (en chantant) Dans la vie tout est possible, rien n'est facile. Pour réussir il faut persévérer … (partie en arabe) ... Et tu réussiras...N’écoute pas les on-dit, construit ton chemin. Affronte les obstacles. Par d’orgueil, pas de paresse. La vie est un combat, il ne faut jamais baisser les bras. Dans la vie tout est possible, rien n'est facile. Pour réussir il faut persévérer.