René Dallaire, usager et membre du Comité des usagers du Sud-ouest et de Verdun, a récemment été nommé Chevalier de l’ordre de Montréal. Une occasion en or de découvrir l’humain extraordinaire derrière cette personnalité publique engagée.
Confidences d’un enfant turbulent
Quand René Dallaire parle de son enfance, on voit courir devant nos yeux les petits gars que l’on croise tous les jours sur les terrains de sport.
Celui qui s’est toujours senti privilégié était un enfant turbulent, un petit tannant plein de vie. Fort de l’amour et de la confiance que ses parents lui offraient, il était infaillible.
Sportif, actif, toujours en mouvement, ce grand passionné passe par la case hockey avant de trouver sa voie vers la liberté : le ski!
L’école? C’est accessoire. René Dallaire a 18 ans, et il nourrit un plus grand projet, celui de devenir « ski bum » sur les plus belles pistes du monde. Chamonix, Val-d’Isère… l’Europe l’attendait et il était prêt.
Le choc
À quelques jours de ses 19 ans, René Dallaire est victime d’un très grave accident de ski. En quelques secondes, l’enfant privilégié devient un adulte qui traverse la pire épreuve de sa vie.
De sa chute à son arrivée à l’hôpital près de 15 heures plus tard, il garde des souvenirs bien précis. Les souvenirs d’un transport chaotique, d’une immobilisation approximative et d’une nuit passée en ambulance, sur les routes entre Val-d’Or et Montréal.
Mais surtout le souvenir du neurochirurgien qui l’accueille, avec ses parents, à l’Hôpital Notre-Dame. Pour le médecin, le constat est simple : il ne pourra rien faire. Les dommages sont trop importants, il faut se préparer au pire.
Alors qu’aujourd’hui, des protocoles d’interventions rapides permettent de protéger une partie de la moelle épinière des victimes de ce type d’accident, celle de René Dallaire est endommagée à 100 %. Il est paralysé des bras et des jambes et, pour les professionnels de l’époque, son cas est désespéré.
Après quelques jours, en effet, René tombe dans un semi-coma. Sans notion du temps ni de la réalité, il est resté en vie grâce à son esprit aiguisé.
« Je gardais mon esprit tout le temps éveillé. J’étais là. Je faisais des calculs mentaux de toutes sortes. Et puis je sentais tout. »
Alors que cet esprit combatif et vif lui a peut-être sauvé la vie, il a sans aucun doute guidé son chemin jusqu’ici.
Le fatalisme du médecin, qui le hante encore aujourd’hui, l’a marqué à tout jamais.
Alors qu’il était catalogué comme une personne qui n’avait plus rien à retirer de la vie, René Dallaire a puisé en cette redoutable épreuve la philosophie qui le guide encore aujourd’hui. Pourquoi ne donne-t-on pas plus de chance à la vie?
Croire en son avenir
Après de longues semaines à l’Hôpital Notre-Dame, René Dallaire entame son parcours de réadaptation à l’Institut de réadaptation de Montréal.
Là-bas, son tempérament fougueux s’acclimate — et on le comprend — très difficilement à sa nouvelle réalité. En colère, blessé, le jeune athlète qu’il était avant son accident n’est pas réceptif à l’aide qu’on lui propose. Peut-être n’était-il tout simplement pas prêt…
6 mois improductifs plus tard, son père le ramène en Abitibi. Là-bas, ses parents, ses 6 frères, sœurs et cousins l’entourent et l’accompagnent vers sa nouvelle vie. Dans une maison adaptée de façon improvisée, entourée d’une famille aimante, il retrouve des forces et de l’espoir, aussi.
C’est permanent, c’est malheureux, c’est bête. Mais il y a d’autres choses à vivre. Au lieu de continuer à m’embourber dans ma colère, j’ai décidé de me reprendre en main. Et j’ai compris que si je voulais avoir un avenir, il fallait que j’étudie dans un domaine d’études où je pourrai travailler.
Déterminé à se reconstruire, il reçoit une proposition qui va propulser sa vie. Alors qu’il attend ses parents dans son auto sur le stationnement d’une église inaccessible aux personnes en situation de handicap, à Rouyn-Noranda, le directeur général du centre Lucie-Bruneau vient contre toute attente lui offrir une place dans son établissement.
« Imaginez! J’ai trouvé ma résidence d’étudiant sur le parvis de l’église en jasant avec le directeur d’un hôpital qui vient de Rouyn Noranda! »
René Dallaire en est alors convaincu : il a un avenir et il va le construire.
Aidé par son tempérament de feu et le soutien de l’équipe de Lucie Bruneau, René Dallaire se lance dans sa « vraie » réadaptation… et sur son parcours d’homme engagé.
Quand j’étais au collège, je me faisais pousser dans les corridors. Je n’étais pas capable de me déplacer tout seul, j’avais besoin d’aide pour manger. Je me suis dit qu’on pouvait peut-être trouver une manière d’utiliser ce qui me restait. Ou de trouver une machine-robot pour m’aider à manger tout seul.
Il soumet alors cette idée, et travaille dessus avec des membres du centre de recherche de l’Institut de réadaptation de Montréal. Avec son aide, une équipe d’ingénieurs et de chercheurs met au point en 1973 le tout premier prototype au monde d'un fauteuil roulant motorisé avec un contrôle céphalique (contrôlé avec la tête).
Collaboration, engagement, mais aussi études collégiales, baccalauréat en administration du HEC Montréal, examen de l’ordre des comptables…. Après sa traversée du désert, René Dallaire recommence à profiter de sa jeunesse et exploite tout son potentiel.
Toute une vie à vivre
Passionné, il alimente son besoin de vivre à 200 km à l’heure en ne faisant jamais rien à moitié.
Directeur des finances de l’Institut de réadaptation de Montréal, président de l’Association des paraplégiques du Québec, membre et président du conseil d’administration du Centre de réadaptation Lucie-Bruneau et de la Société d’habitations communautaires Logique, fondateur de l’Association québécoise de voile adaptée, membre du comité des usagers du Sud-Ouest Verdun, Mission CLSC, et du Regroupement des organismes pour aînés et aînées du sud-ouest de Montréal (ROPASOM)… Son cheval de bataille : aider celles et ceux que l’on n’aide plus à vivre la meilleure des vies.
Auprès du CCSMTL Monsieur Dallaire est un pivot entre les équipes de soins et services et les usagers et usagères. Ses objectifs sont d’utiliser chaque plainte pour améliorer les services et de trouver des solutions adaptées aux besoins des usagers et usagères en perte d’autonomie.
Aujourd’hui, il vit chez lui avec l’aide d’une équipe d’intervenants et intervenantes qui lui offrent tous les services à domicile dont il a besoin. Des personnes qu’il emploie lui-même à l’aide de chèques emploi-service.
Une solution simple et pratique, que Monsieur Dallaire s’efforce de démocratiser auprès des personnes en situation de handicap et aux personnes âgées, pour empêcher ou retarder le plus longtemps possible leur entrée dans les institutions.
Engagé à plusieurs niveaux du réseau de la santé et des services sociaux, René Dallaire met tout en œuvre pour rendre les services d’aide à l’autonomie plus accessibles. Pour aider les personnes dans la même situation que lui à accéder une bonne qualité de vie.
Messager d’espoir et d’optimisme, René Dallaire partage avec nous sa force et son mental d’acier. Par amour pour celles et ceux qui l’entourent. Par amour pour la vie.
Si j’avais quelque chose à dire à un enfant de 18 ans, qui se retrouverait dans la même situation que moi aujourd’hui, ce serait “Rêve! Rêve et pense. Il y a des possibilités, tu peux faire d’autres choses dans ta vie. Trouve-les, t’es capable!”
Monsieur René Dallaire, merci! Merci pour votre engagement. Merci pour votre travail. Mais surtout, merci d’avoir cru en la vie et merci d’aider celles et ceux qui n’y croient plus à y reprendre goût aussi.