Se reconnecter à son humanité
Car comprendre les personnes noires, c’est aussi déceler les biais cognitifs qui se dessinent lorsque les intervenants et intervenantes s’adressent à elles en tant que patients, patientes et proches.
Dans son rôle de médecin de famille ou de proche de patients et patientes, Docteure Désiré est la témoin privilégiée de ces biais et préjugés. Elle observe d’ailleurs que les gens qui consultent se sentent obligés de justifier leurs parcours, pour qu’on les respecte comme des personnes à part entière.
Alors que les effets de ces biais peuvent nuire considérablement à l’accès aux soins de communautés entières, qui hésitent à consulter par peur d’être jugées, elle nous aide à comprendre une réalité que seuls les médecins peuvent connaître.
En effet, face au nombre étourdissant de personnes à rencontrer et à soigner en permanence, il est extrêmement difficile de ne pas se laisser happer dans un système qui déshumanise les personnes soignantes comme les personnes soignées.
Et bien que ce mécanisme s’applique à l’ensemble des patients et des patientes, il semble exacerbé auprès des personnes racisées. Alors que le décès de Joyce Echaquan est venu confronter les mentalités, il reste encore du chemin à parcourir pour éveiller les consciences.
Docteure Désiré explique : « Avec le temps, j’ai compris que notre formation nous amène à voir les patients et patients comme des cas. En effet, on doit comprendre leur problème de santé, et les gens ont des attentes envers nous. On n’a pas toujours le temps de rentrer en contact de manière significative. Alors même le médecin le plus empathique peut avoir des rapports froids avec ses patients.
Si on ajoute à cela un biais cognitif, la distance entre médecin et patient se fait bien plus importante. Et ça n’encourage pas les gens à venir se faire soigner. »
Pour Docteure Désiré, la solution est à la portée de toutes, et tous : face à la vulnérabilité des personnes qui consultent ou qui sont hospitalisées, la posture de celles qui les soignent doit être améliorée. Comment?
« En se reconnectant à notre empathie, à notre humanité.
C’est avec des approches humanistes que l’on va sortir de nos biais et arrêter de catégoriser les gens entre personnes racisées ou personnes non racisées.
Le contexte local et la situation géopolitique ne nous aident pas à aller dans cette direction, mais c’est comme ça qu’on y arrivera et qu’on pourra donner de l’espoir à nos enfants.
Plus d’empathie, plus d’amour, au fond c’est ça ma posture. C’est comme ça que je veux travailler sur les inégalités sociales de santé. Et c’est aussi ma façon de garder espoir. C’est fleur bleue un peu non [rires]? Mais au fond, c’est notre empathie et notre humanité qui nous poussent à prendre soin des gens. De tous les gens.»