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Centre intégré universitaire
de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal

Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal

Rougeole

Plusieurs cas de rougeole ont été déclarés au Québec, dont certains à Montréal. Dans le contexte d’une hausse du nombre de cas, la Santé publique rappelle que la vaccination demeure le meilleur moyen de se protéger contre la maladie. 

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Actualités

Se reconnecter à notre humanité, pour lutter contre les inégalités

Au carrefour des cultures et des réalités sociales, le Centre-Sud est connu, entre autres, pour sa population aux horizons variés. Et pour la servir, les équipes de notre organisation en sont en tous points le reflet. En effet, entre talents, origines culturelles, saveurs et expertises, le CCSMTL est avant tout riche de sa diversité.

Malgré cette alliance vibrante de toutes nos origines au sein d’une seule et même communauté, bon nombre de personnes noires et racisées subissent — aujourd’hui encore — les effets des inégalités sociales de santé.

Face à cette réalité qui perdure, malgré l’évolution constante de nos sociétés, Docteure Farah Désiré, médecin de famille à l’Hôpital Notre-Dame et médecin résidente en santé publique et médecine préventive à l’université McGill, travaille pour trouver des solutions durables et améliorer la santé de l’ensemble de nos communautés.

Rencontre avec une médecin engagée.

Dre Farah Desire

Se fondre dans la masse

Fille d’un enseignant et d’une infirmière, Docteure Farah Désiré a grandi avec un désir affirmé : prendre soin de l’autre.

Aidée, comme ses frères et sœurs, des solides valeurs d’éducation et de santé de ses parents, elle poursuit avec succès son parcours scolaire et universitaire et accède à ses ambitions sans difficulté.

Elle explique : « Mon histoire se construit dans celle de mes parents. Pour eux, l’éducation était la porte pour tout. Peu importe ce que l’on voulait faire, on devait aller à l’école. »

De la maternelle à ses études en psychologie à l’Université de Montréal, puis à la faculté de médecine et durant ses études en santé publique, son sentiment de justice sociale lui fait très tôt ouvrir les yeux sur la réalité des personnes noires, en milieu scolaire et universitaire.

« J’ai une famille structurante, j’étais bonne à l’école, donc je n’ai pas rencontré de grandes difficultés pour y arriver. Mais j’ai souvent pu constater — sans pour autant pouvoir mettre de mots dessus — que certains enfants autour de moi n’étaient pas traités comme les autres, et qu’il s’agissait en général d’enfants noirs.»

Étrangère pour toujours

Enfant, puis étudiante, issue d’un niveau social confortable, elle bénéficie du tremplin nécessaire pour découvrir le monde et, surtout, de la possibilité de rêver. De rêver en grand, et d’accéder à une carrière en accord avec ses valeurs et ses capacités.

Pourtant, elle confie : « Même petite, je pouvais sentir la différence de traitement envers “moi et les autres comme moi”. Je n’avais aucune notion de racisme, mais je trouvais certaines choses “bizarres”. En grandissant, j’ai compris que mon ressenti était réel.»

Au cours de ses études, elle observe et comprend qu’à l’instar de bon nombre de Canadiens et Canadiennes issue.e.s des communautés noires, elle doit aussi faire ses preuves en tant que personne née ici, élevée ici, éduquée dans nos écoles et universités. En effet, l’un des traumatismes des communautés noires, notamment les enfants de deuxième ou troisième génération, est d’être « l’étranger ou l’étrangère pour toujours ». Car malgré leur lieu de naissance, leur français parfait, leurs excellents résultats, leurs diplômes et leur réussite, dans les yeux de beaucoup, leur identité reste toujours à prouver.

Elle précise : « On m’a dit que si je faisais tout comme il faut, j’aurais droit à cette identité, mais en réalité, je serai toujours l’autre pour vous. C’est quelque chose avec laquelle il faut faire la paix. Cette altérité, les gens qui ne la vivent pas ne peuvent pas la comprendre. C’est nous et les autres. Et à 22 ans, j’ai compris que je ne ferai jamais partie du nous. J’ai tous les codes, mais je serai toujours l’autre.»

Cette altérité, véritable charge à porter par les personnes noires, est un facteur important de stress, qui peut à son tour avoir des effets dévastateurs sur la santé, mentale comme physique. 

Elle explique : « En tant qu’humaine, que veut-on? On veut être accepté.e, on veut créer des liens, se connecter… on ne veut pas être vue comme différente tout le temps.

On se fait regarder tout le temps! La charge allostatique fait en sorte que le stress est plus lourd, et justifie des disparités au niveau de certains états de santé. Le fait d’être aux aguets tout le temps a un impact sur la santé.»

En santé publique, agir contre les inégalités sociales de santé

Urgentologue, puis médecin en clinique des demandeurs d’asile et en centre jeunesse, et maintenant médecin en milieu hospitalier et enseignante en médecine, docteure Farah Désiré est aussi médecin résidente en santé publique et médecine préventive à l’université McGill.

À ce titre, elle est très impliquée dans le volet prévention et promotion de la santé, tout particulièrement en ce qui a trait aux inégalités sociales de santé. En équipe avec des sociologues, anthropologues, nutritionnistes, et autres professionnel.le.s, ainsi qu’avec des partenaires intersectoriels comme la Ville de Montréal, elle étudie la question des effets des inégalités et du racisme sur la santé des populations.

Son objectif? S’éloigner de l’essentialisme, pour étudier les corrélations et retirer la responsabilité des individus ou de la biologie, et offrir aux gens des soins empreints de justice sociale.

Elle explique : « On a beau avoir des chiffres, si on ne comprend pas d’où ils viennent et comment ils fonctionnent on ne fait que reproduire les mêmes situations.

Consciente de l’importance de son rôle de médecin, elle est aussi très attentive au ressenti de ses patients et patientes, ainsi qu’à leur réalité en consultation.

« Les personnes noires que je reçois en consultation sont heureuses de me voir, elles semblent souvent soulagées. Elles sont en confiance. Même si ces personnes savent qu’on ne partage pas la même histoire, elles savent que je peux les comprendre.»

Se reconnecter à son humanité

Car comprendre les personnes noires, c’est aussi déceler les biais cognitifs qui se dessinent lorsque les intervenants et intervenantes s’adressent à elles en tant que patients, patientes et proches.

Dans son rôle de médecin de famille ou de proche de patients et patientes, Docteure Désiré est la témoin privilégiée de ces biais et préjugés. Elle observe d’ailleurs que les gens qui consultent se sentent obligés de justifier leurs parcours, pour qu’on les respecte comme des personnes à part entière.

Alors que les effets de ces biais peuvent nuire considérablement à l’accès aux soins de communautés entières, qui hésitent à consulter par peur d’être jugées, elle nous aide à comprendre une réalité que seuls les médecins peuvent connaître. 

En effet, face au nombre étourdissant de personnes à rencontrer et à soigner en permanence, il est extrêmement difficile de ne pas se laisser happer dans un système qui déshumanise les personnes soignantes comme les personnes soignées.

Et bien que ce mécanisme s’applique à l’ensemble des patients et des patientes, il semble exacerbé auprès des personnes racisées. Alors que le décès de Joyce Echaquan est venu confronter les mentalités, il reste encore du chemin à parcourir pour éveiller les consciences.

Docteure Désiré explique : « Avec le temps, j’ai compris que notre formation nous amène à voir les patients et patients comme des cas. En effet, on doit comprendre leur problème de santé, et les gens ont des attentes envers nous. On n’a pas toujours le temps de rentrer en contact de manière significative. Alors même le médecin le plus empathique peut avoir des rapports froids avec ses patients.

Si on ajoute à cela un biais cognitif, la distance entre médecin et patient se fait bien plus importante. Et ça n’encourage pas les gens à venir se faire soigner. »

Pour Docteure Désiré, la solution est à la portée de toutes, et tous : face à la vulnérabilité des personnes qui consultent ou qui sont hospitalisées, la posture de celles qui les soignent doit être améliorée. Comment? 

« En se reconnectant à notre empathie, à notre humanité.

C’est avec des approches humanistes que l’on va sortir de nos biais et arrêter de catégoriser les gens entre personnes racisées ou personnes non racisées.

Le contexte local et la situation géopolitique ne nous aident pas à aller dans cette direction, mais c’est comme ça qu’on y arrivera et qu’on pourra donner de l’espoir à nos enfants.

Plus d’empathie, plus d’amour, au fond c’est ça ma posture. C’est comme ça que je veux travailler sur les inégalités sociales de santé. Et c’est aussi ma façon de garder espoir. C’est fleur bleue un peu non [rires]? Mais au fond, c’est notre empathie et notre humanité qui nous poussent à prendre soin des gens. De tous les gens.»

La sous-représentation des personnes noires en médecine

Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs et des Noires au CCSMTL, Docteure Désiré a participé à un webinaire sur la sous-représentation des personnes noires en médecine.

Aux côtés de Docteure Isabelle Ferdinand, rhumatologue et cheffe du service de rhumatologie de l’Hôpital Notre-Dame et de Lionelle Siego Tagne, agente de planification, de programmation et de recherche, médecin diplômée au Cameroun et candidate à la profession de médecin au Québec, elle a abordé la question de la représentation des étudiants et étudiantes noir.e.s en médecine.

Elle explique « J’ai eu la chance d’être issue d’une famille éduquée, et d’avoir la possibilité de rêver. Quand je suis rentrée en médecine, je voulais être hémato-oncologue en pédiatrie, comme mon modèle, comme la docteure Yvette Bonny. Mais les jeunes noir.e.s issu.e.s de milieux moins favorisés n’ont pas toujours de modèle, et dans les écoles, on ne les encourage pas à poursuivre des études scientifiques. Il y a beaucoup de petites perles à aller chercher. Pour cela, les programmes d’accès aux études en médecine comme celui de la Docteure Ferdinand sont essentiels.»

Pour voir ou revoir le webinaire, cliquez sur ce lien.