Il est 17 h 30. 
Les bureaux se vident. Sur les étages, les équipes de soir ont pris le relais de leurs collègues de la journée.
Les chefs et cheffes de service, dirigeants et dirigeants commencent à quitter les lieux, pour une nuit de repos bien nécessaire.
Noura Zekkat, coordonnatrice d’activités infirmières, commence sa tournée. 
Ce jour-là, Noura travaille en soirée, et toute la nuit. 

La force tranquille

Dans l’ambiance feutrée de la soirée, les va-et-vient des usagères et usagers ont cessé. Sur les étages de l’hôpital, il ne reste que les personnes hospitalisées et des équipes restreintes, prêtes à toute éventualité.

À la tête de cet écosystème, Noura Zekkat est responsable de la continuité, de la surveillance et du contrôle de la qualité des soins et des services.

En d’autres termes, elle s’assure du bon déroulement des activités de l’hôpital au grand complet :

Elle doit s’assurer de la présence de près de 250 personnes sur le terrain, par quart de travail. Elle a également sous sa responsabilité jusqu’à 280 patients et patientes. Elle gère 16 unités de l’hôpital et y remplace 14 chefs et cheffes d’unité. Elle représente la direction et la haute direction en l’absence des dirigeants et dirigeantes.

Infirmière d’expérience, elle a aussi pour mandat de soutenir les infirmiers et infirmières auxiliaires sur les unités de niveaux de soins alternatifs.

À ce titre, elle assure la prise en charge des patients et patientes, procède aux évaluations infirmières et aux soins, si nécessaire. Contact principal avec les médecins, elle est responsable de l’application des mesures et décisions à prendre.

En collaboration avec toutes les directions, tous les services, elle répond à tous les codes, tous les appels, toutes les questions, tous les besoins.

Pas de problème sans solution

Temps fort du travail de Noura, la tournée des étages consiste à s’assurer que tout le monde a tout ce qu’il lui faut pour travailler, en tout temps. Décrite comme cela, cette tâche peut sembler simple. 
En réalité, c’est un vrai jeu d’adresse et de patience, doublé d’une expertise à toute épreuve, et dans tous les domaines, qui s’étend sur plusieurs heures et 10 kilomètres.
 Un travail tout terrain, aux défis aussi improbables que variés : Pagettes à réparer, patiente en fuite, transfert de patient en unité d’hospitalisation, quantité de linge insuffisante, usager désorienté, imprimante non fonctionnelle, problème technique, manque de personnel, colère d’une usagère insatisfaite, retard dans un transfert, opération chirurgicale en retard, dispute dans une équipe, usager en détresse, agent de sécurité à rassurer, itinérant en psychose aux abords de l’hôpital, ballet des ambulances à coordonner, café pour les équipes, câlin à une infirmière angoissée, salle d’attente à vider, conseils de gestion des listes d’attentes, mise au point avec une professionnelle débordée…

Le tout, entrecoupé par la sonnerie de son téléphone qui sonne sans cesse.

À l’arrivée de Noura dans le service de soins palliatifs, une patiente très âgée est confuse. Elle jette du yogourt et frappe celles et ceux qui essaient de s’approcher pour la soigner. Doucement, Noura s’approche et lui parle. Alors qu’elle essaie encore de frapper des membres de l’équipe, elle se calme auprès de Noura, qui l’assied et lui apporte à boire, avant de la ramener dans sa chambre avec douceur. Madeleine est en sécurité, l’équipe peut la soigner.

Une présence rassurante

Pour Noura, c’est la routine. Une journée de travail comme elle les aime, plutôt calme, sans trop de problèmes. 
Elle explique, « Mon téléphone sonne tout le temps, et seulement pour des problèmes!
Je suis là pour prendre les décisions et aussi pour faire tout ce que je peux pour les aider.
Donc je suis magasinière, technicienne informatique, je répare des ordinateurs, des imprimantes, parfois je fais aussi agente de sécurité, je récupère des patients et patientes qui fuguent. Je fais office de bénévole et je dirige les personnes perdues. Je peux être médiatrice pour désamorcer les conflits au sein des équipes ou entre les équipes et les usagers et usagères. Il m’est arrivé de réparer des portes…
Je ne peux pas leur répondre “Je ne sais pas”. C’est impossible. Les gens se sentent en sécurité auprès de leur coordo. Ils se sentent en confiance, rassurés. C’est ma responsabilité. »

La goutte d’huile

Il est 4 h.  
À l’urgence, bien que tout semble calme, l’équipe est aux aguets. Un usager violent est sur le point d’être arrêté. 
Noura prend le temps de s’assurer que tout est en règle, que tout le monde va bien, et que tout le monde est en sécurité. 
Auprès de l’assistante des urgences, elle prend le pouls des conditions de travail pour l’équipe, tout en recueillant des confidences, des impressions.
Elle explique, « L’urgence, c’est un univers complètement différent. Ici, je travaille main dans la main avec les équipes, et je les écoute avant tout. C’est elles qui savent, je leur fais 100 % confiance. »
La salle d’attente se vide, tout est sous contrôle. Pour Noura, c’est le moment de s’assurer du respect des délais, de l’état de préparation des transferts à venir, et de la présence des équipes pour le prochain quart. 
Elle s’arrête prendre des nouvelles de Geneviève, agente administrative de nuit.  
« Si elle n’est pas là, on est perdues. Moi j’ai juste à m’assurer que tout est prêt pour Geneviève. Si elle ne peut pas travailler correctement, tout sera retardé, que ce soit en chirurgie, sur les étages… partout. 
Geneviève est essentielle. On n’en parle pas souvent, mais c’est le rouage qui fait tourner. Il ne faut pas oublier que pour les usagers et usagères tout commence ici. »  

Noura, au beau milieu de son deuxième quart de travail consécutif, continue à diffuser son énergie contagieuse et ses conseils avisés. Mais comment fait-elle? 
Pour elle la réponse est simple : « J’adore ce que je fais! 
J’aime accompagner les gens, en leur donnant un maximum d’autonomie. J’aime porter les responsabilités même si elles sont lourdes. J’ai la charge de tout un hôpital, et j’adore ça.
J’aime quand ça bouge. J’aime être la petite goutte d’huile qui vient fluidifier le rouage de l’organisation. »

« Quand on a un problème, on appelle la coordo. » - Tout le monde

 Noura en est convaincue, dans un environnement de travail aussi difficile qu’un hôpital, ce sont les relations humaines qui donnent aux gens envie de rester.
Fière de ses équipes, elle connaît chacune des centaines de personnes que nous rencontrons par leur prénom. Elle connaît leurs conditions de travail, les éléments de leur vie privée qui peuvent influer sur leur humeur et leur santé, les forces de chacun et chacune de ses collègues. 

Dans un mode de gestion bienveillant et humain, elle aborde chacune des personnalités avec qui elle doit travailler de manière adaptée. Pour les soutenir, les accompagner dans leur réalité, elle n’hésite pas à les prendre à part et leur parler, et elles, n’hésitent pas à se confier.
Dans cette relation de confiance, avec son calme et son sourire, elle rassure, elle conseille, elle soutient. Et on le lui rend bien.

Sur les étages, tout le monde lui rend hommage. Nous avons sélectionné quelques-uns de ces nombreux témoignages.

 « On se rencontre tout le temps, on s’entend très bien je l’adore, je l’embrasse tout le temps! Je ne vais pas faire tout un discours, mais c’est ma préférée. Je sais qu’avec elle, je vais avoir les réponses dont j’ai besoin. Moi j’aimerais qu’elle soit là toutes les nuits, tous les week-ends, toute la vie! [rires] »

Maria Midvighi, préposée aux bénéficiaires

Une petite planète, dans un immense système

Noura explique, « Je m’appuie énormément sur les équipes. Leurs connaissances, leurs savoirs, leur travail. 
Je ne suis rien. Ce sont elles qui font tout tourner.
Personnel clinique et administratif, médecins, hygiène et salubrité, technique, tout le monde gravite autour de l’usager comme un système planétaire.
Le soleil, c’est l’usager.ère et nous on tourne autour. »

Il est 5 h 30. Le téléphone sonne. Encore.
Un incendie majeur a eu lieu dans le Vieux-Montréal. On ne connaît pas encore le bilan ;  on sait maintenant qu’il sera terrible. Le CHUM va accueillir de grand.e.s brûlé.e.s, et les hôpitaux du secteur doivent se préparer à recevoir un afflux d’ambulances et de patient.e.s gravement blessé.e.s. 
Noura part gérer ce énième imprévu. Après ses tournées, ses rapports, ses conseils et ses gestions d’urgences de toutes sortes, elle terminera sa nuit à 7 h 30. 
Après un double quart comme les autres, lors duquel elle a déployé tout son talent pour aider les équipes à donner le meilleur d’elles-mêmes, et aux équipes de jour de commencer leur journée avec l’assurance que tout est en place pour bien travailler.

Aujourd’hui, Noura, nous avons envie de te rendre, humblement, un peu de tout ce que tu donnes à notre communauté. Même si nous n’avons que très rarement la chance de te croiser, nous savons que sans toi, une partie de notre monde ne pourrait pas fonctionner.
Merci Noura Zekkat. Et bravo pour tout (et tout, tout, encore tout) ce que tu fais.